Note d’intention

Honda Romance est une chorégraphie du sensible, une exploration du déséquilibre et de l’interconnexion. La marche, la danse, le chant et la gravité y deviennent des métaphores du mouvement intérieur, de l’ajustement perpétuel qui façonne nos existences. Inspirée par Germaine de Staël (« De l’influence des Passions sur le bonheur des Individus et des Nations »), la pièce cherche à peindre le mouvement des émotions qui appartiennent à tous les coeurs.

Mon travail explore, depuis toujours cette interprétation de la gravité, c’est-à-dire l’équilibre. Qu’il soit émotionnel ou physique, l’équilibre n’est qu’un état transitoire : un rétablissement constant du déséquilibre. Il n’existe pas, en tant que tel, tout comme le bonheur est une réinvention quotidienne, une réadaptation permanente face au malheur.

Le titre, mystérieux, joue sur la polysémie. Honda, désigne à la fois une marque de véhicules qui lancera en 2030 des satellites, mais signifie aussi dans différentes langues : existence, rizière, fronde, vif, origine, livre, famille et mes gars sûrs. Quant à « Romance », c’est un mot souvent associé à l’amour, alors qu’il désigne à l’origine « une pièce musicale de style simple ». Honda Romance interroge la richesse du langage et sa capacité à multiplier les significations. À l’heure des algorithmes et de la simplification du sens par soucis de rapidité, ce choix de s’arrêter sur les mots devient un choix poétique, un élan vital.

Sur le plateau, un satellite-narrateur, symbole du lien entre technologie et sentiment, observe 11 performeur.ses en mouvement perpétuel, insolent, fragile et drôle. Ce ballet incessant répond à une partition de 200 émotions, où le geste devient une self-défense contre les turbulences du ressenti.

Les musiques omniprésentes de Tsirihaka Harrivel et Rebeka Warrior entrent en dialogue avec trois canons à explosion de vent balayant les mots, les actions, les objets et les corps des performeur.euses.

Dans ce monde inondé d’informations, où les likes, les messages et les images se volatilisent aussi rapidement qu’ils apparaissent, la mémoire numérique persiste. Elle se recompose en fragments éphémères : des photos anciennes réassemblées en diaporama, une voix disparue qui réapparaît dans un message vocal, un brouillon de texto retrouver par hasard, jamais envoyé, comme une parole suspendue dans le temps.

Honda Romance est une réflexion sur l’impermanence, le passage du temps, et la nostalgie attachée aux objets et aux souvenirs numériques. Il est évident que tout passe.

Cependant, ce qui devrait subsister n’est pas le néant, mais l’amour du fait que tout passe.

La vacuité n’est pas un vide, mais un espace de transformation.

Vimala Pons